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Une école française s’immisce dans un projet

Le 20 novembre 2017, une poignée de jours avant de prendre l’avion pour la Birmanie, j’eus la surprise de trouver dans ma boite aux lettres une enveloppe pleine de dessins. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre, les responsables de cet envoi inattendu ayant signé leur forfait. Il s’agissait de la classe de CE2 de l’école Molière de Sin-le-Noble (59), dont la maitresse Stéphanie D. avait abordé avec ses élèves le projet Ballons sans frontière, leur proposant de réaliser des dessins pour les enfants birmans sur le thème des jeux de ballons. Les enfants ont adhéré avec un enthousiasme certain. En parallèle, ce voyage en Birmanie était pour eux l’occasion d’aborder entre autre des notions de géographie (pays traversés, découverte du pays), de mathématiques (décalage horaire, km parcourus, change), d’éducation civique (respect des autres, niveau de vie) …

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais je me sentais un peu redevable de cette délicate attention. Et puis, l’idée d’intégrer une école française dans le projet avait déjà fait son bonhomme de chemin… mais je ne voyais pas ça à si court terme.

Deux mois plus tard, en rédigeant ces lignes, je revois le long cheminement qui nous a mené à nous rencontrer aujourd’hui, après avoir échangé par vidéos interposées pendant le séjour en Birmanie, et parfois même en direct depuis Hong-Kong, Bagan, Inle, ou Hap-An. Car ce vendredi 19 janvier 2018, je me suis rendu dans cette classe de CE2 afin de boucler la boucle de deux mois où la Birmanie est restée dans un coin de notre tête.

Bien plus que des dessins

Intégrer une classe au projet Ballons sans frontière, ce n’est pas juste demander de jolis dessins. Il faut tenir compte du programme scolaire, définir des objectifs clairs et ne pas venir dans la classe uniquement pour montrer des photos et vidéos à l’intérêt limité, type : « alors j’ai mangé ce joli repas, et là c’est Pilou le gentil chat de l’hôtel, et voici Benjamin avec qui j’ai fait plein de km en scooter » (bon ce dernier point est véridique mais peu pertinent pour ce type d’intervention en milieu scolaire). En accord avec l’institutrice, nous avions défini au préalable différents axes de travail afin de faire de cette journée un moment ludique et agréable, où chacun participe à sa manière.

Sur la base du volontariat, les enfants avaient préparé des exposés afin de mettre en avant une particularité du pays. Ainsi, après une présentation générale de la Birmanie, nous avons découvert les cités impériales autour de Mandalay, le lac Inle, le site archéologique de Bagan, l’importance du bambou dans les habitations, et certaines habitudes alimentaires. Depuis deux mois qu’ils entendent parler de la Birmanie, il fallait bien satisfaire leur curiosité : les enfants avaient donc préparé avant ma venue une série de questions qu’ils eurent l’occasion de poser à différents moments de la journée. De mon côté, j’avais préparé un exposé présentant rapidement le pays, le parcours effectué et les moyens de transports utilisés, et mettant l’accent sur 5 thématiques : i) vivre grâce à l’agriculture, l’élevage, la pêche et le tourisme, ii) les atouts du pays, iii) les animaux, iv) la nourriture, v) les enfants : entre école, jeux et travail.

Afin d’immerger un peu plus les élèves dans la thématique birmane, j’avais ramené des Kyats (la monnaie locale), les cartes d’embarquement, des bonbons locaux, et quelques petits cadeaux pour la classe dont un calendrier birman/anglais et une balle de Chinlone (un jeu très populaire).

Evidemment, il me fallait à un moment ou un autre faire le lien avec l’association Ballons sans frontière. Ce fut l’occasion de diffuser une vidéo présentant divers jeux observés lors de mon séjour, de parler des projets déjà réalisés et de placer certains pays sur une carte : tiens le Maroc et la Thaïlande on connaît tous… mais le Népal, le Cap-Vert, l’Islande, c’est plus difficile à situer ! Avec Ballons sans frontière on s’initie à la géographie, et soudain, en jetant un œil sur la carte du monde, on se rend compte que l’avion ne prend pas le chemin le plus court. C’est idéal pour s’interroger et comprendre la différence entre un globe et une carte.

S’affranchir des barrières

Si la langue reste un souci majeur pour communiquer, les dessins permettent de nouer un premier lien à distance. La joie des enfants qui les ont reçus faisait plaisir à voir, celle de leurs auteurs en découvrant comment s’était passée la remise des dessins était aussi intense. Quand j’échangeais à distance avec la classe, 2 questions revenaient souvent : as-tu trouvé une école et quelle a été la réaction des enfants lorsqu’ils ont reçu les dessins et ballons? Je suis resté évasif jusqu’à cette intervention en classe, où les enfants ont pu découvrir un montage vidéo de l’arrivée dans l’école suivie de la remise des ballons et dessins… et des réactions des enfants birmans. Invité à réagir, un élève eut ce commentaire (très mesuré !) :

« C’est le meilleur moment de joie que j’ai vu dans ma vie »

 

C., élève de CE2 à l’école Molière

Hélas, il ne sera pas simple de maintenir un lien durable entre les deux écoles : s’il est compliqué (prix des timbres) mais possible d’échanger par courrier, l’école de Bagan n’a ni matériel informatique ni connexion internet.

Quoi de plus universel que l’envie de jouer ? De ce constat naissait Ballons sans frontière. Après avoir expliqué la fabrication d’une balle de Csunzi, un jeu très populaire au Népal qui consiste à jongler avec une balle en caoutchouc, les élèves devaient énumérer l’ensemble des jeux qu’ils connaissaient et avaient l’habitude de pratiquer.

Il leur était ensuite demandé de définir les informations importantes qu’ils mentionneraient systématiquement s’ils devaient rédiger une fiche de présentation d’un jeu. Enfin, par petits groupes, ils devaient choisir un jeu et le décrire (nom, nombre de participants, temps approximatif de jeu, règles). Une manière intéressante de développer le travail en groupe, l’expression écrite et la synthèse d’information. Pour faciliter la compréhension de l’exercice, j’ai moi-même présenté un jeu birman en complétant les différentes informations attendues. Si possible, nous essayerons de faire traduire ces fiches sous forme de dessins ou pictogrammes afin de les rendre accessibles au plus grand nombre, sans se soucier de la langue ou du niveau de lecture.

Les enfants d’aujourd’hui sont les citoyens de demain

Intégrer des enfants français dans le projet Ballons sans frontière, ce fut l’opportunité de prolonger cette aventure birmane et de l’appréhender sous un angle nouveau. Curieux, pertinents, spontanés, investis… voici certains comportements attisés par un projet pour des enfants analysés par des enfants. Je reste agréablement surpris par l’intérêt et l’implication débordante suscités par ce projet. Et ce qui m’aura le plus marqué dans tous les échanges que nous avons pu avoir c’est que malgré les différences des modes de vie et la distance qui les sépare, les élèves sont restés mesurés dans leurs questions, fascinés par ces sourires malgré les conditions parfois difficiles dans lesquelles évoluent leurs homologues birmans. L’envie d’en savoir plus sur les jeux était la plus forte !